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Deuxième film d’Agnès Varda aprés La pointe courte. Cléo de 5 à 7 est autant une carte postale cinématographique du Paris des années 1960 que l’histoire du drame personnel d’une femme ,en proie à des angoisses existentielles. Sorti en 1962, un an après « A bout de souffle » de Godard, le film de Varda est singulier en cela qu’il est l’oeuvre d’une femme, qui plus est non-membre du groupe originel de « la Nouvelle Vague » affilié aux Cahiers du cinéma. A noter qu’il a été question de réaliser un remake de ce film. Idée que l’on doit à … Madonna qui avait était grandement impressionnée par le film. Heureusement, le remake fut bloqué par Varda. Je doute grandement qu’un tel projet aurait pu retrouver la spontanéité de la réalisation de Varda. Pour autant, Cléo de 5 à 7 n’est pas un documentaire sur Paris, il s’interroge sur plusieurs séries de couples thématiques: regarder/être regardé; lumière/ombre; merveilleux/cancéreux; réalité/fiction; artisanat/art; Eros/Thanatos …

A titre personnel, ce film est d’autant plus touchant car tourné sur la rive gauche, principalement dans le quartier de Montparnasse où j’ai vécu 2 ans de ma vie. Avant de commencer l’analyse du film, un bref résumé s’impose (résumé emprunté à cinéma-français.fr).

« Cléo, chanteuse de petit renom, attend le résultat d’une analyse médicale. Elle craint le cancer. Après avoir consulté une cartomancienne, elle entre dans un café, achète un chapeau et prend un taxi pour rentrer chez elle. Son amant vient lui rendre visite. Puis elle reçoit son pianiste et son parolier qui ont cru spirituel de se déguiser en apothicaires. Elle répète une chanson. Cléo sort dans la rue. Son regard est constamment accroché par tout ce qui rappelle la maladie et la mort. Elle entre au café du Dôme, puis dans un atelier de peinture où son amie Dorothée pose nue. Dorothée emmène Cléo en voiture, elle doit porter un film à son copain Raoul qui est projectionniste. De la cabine, Cléo regarde un film d’humour noir. Cléo prend un taxi, puis se promène seule dans un parc Montsouris inondé de lumière. Elle rencontre Antoine, un jeune militaire qu’elle ne connaît pas. Tous les deux montent dans un autobus et descendent près de l’hôpital. Ils parlent longuement. Cléo trouve auprès d’Antoine le réconfort qui lui manquait. Un médecin communique le résultat de l’examen, avec des formules rassurantes toutes professionnelles. »

Le regard:“Le premier acte féministe d’une femme, c’est de regarder, de dire “d’accord, on me regarde, mais moi aussi, je regarde.” ( Agnès Varda)

Dans le film, Cléo passe par trois étapes distinctes dans son approche au regard. Elle est d’abord celle qui est regardée. puis elle prend conscience de sa faculté propre de contemplation et finalement associe son regard à celui d’une autre personne.

1) Si Cléo est une chanteuse à succès, ce n’est pas principalement grâce à sa voix mais surtout grâce à son apparence physique. Elle cumule tous les artifices de la star populaire: perruque, maquillage, garde-robe onéreuse … La séquence qui suit la scène chez la cartomancienne nous montre les regards éblouis des hommes qui croisent le chemin de Cléo: elle est un objet de contemplation, en est consciente et joue avec. En effet, Cléo se complaît à être l’objet de tous les regards masculins. Son appartement parisien accentue cette importance de l’image, de par l’omniprésence de miroirs. Comme on l’apprendra à la fin du film, Cléo est en fait un pseudonyme et l’héroine s’appelle Florence. Quand Florence se regarde dans le miroir, elle voit Cléo, le produit d’un fantasme masculin standardisé. Si l’appartement de Cléo semble étrangement meublé (avec sa balançoire, son lit de conte de fée, ses innombrables miroirs, …) et anormalement grand c’est qu’il est le symbole du monde dans lequel vit Cléo: celui d’un conte de fée où le merveilleux est au service de l’image. L’entrée de l’amant de Cléo est soulignée par une musique romantique alors que Cléo tient son miroir en main et est vêtue d’une robe à frou-frou tout droit sortie d’un Walt Dysney.

Finalement, chez Cléo c’est une sorte de théâtre, de monde à part, un microcosme où les fantasmes préconçus des hommes sont projetés. C’est là où elle répète ses chansons (chansons qu’elle n’écrit pas elle-même) et se contente d’interpréter et de restituer une image définie censée satisfaire le public masculin. Si Cléo aime être désirée et regardée pour sa beauté, l’annonce d’une éventuelle maladie remet en question son aptitude à capter les regards et la pousse à questionner ce regard en changeant de position. Pour passer du statut de regardée à celui d’instance regardante, Cléo va devoir se libérer de ses artifices de chanteuse. Elle passe derrière un rideau pour se changer (elle enlève sa perruque, met une autre robe) et renonce symboliquement à ce monde de théâtre qui l’objectifie au quotidien et l’enferme dans une passivité aliénante.

2) Le regard de l’autre

l'expérience de la foule

Désormais seule, l’errance de Cléo va passer par la confrontation de son regard à celui des parisiens du quartier Montparnasse. Si son appartement était le symbole d’un théâtre du merveilleux, les rues de Paris sont plus proche d’un cirque étrange où les bonimenteurs, les avaleurs de grenouilles et autres artistes de rue se se répondent. Cléo se fait observatrice, elle devient un des regards parmi la foule.

Alors qu’elle était encerclée par des miroirs lui reflétant son seul regard, lorsque Cléo se regarde dans le miroir d’une boutique la foule s’y invite. De plus, dans la scène au café du Dôme (rue Delambre chez moi !), ce ne sont plus des miroirs qui sont accrochés au mur mais des tableaux. Le Paris des cafés, des conversations sur le surréalisme, des engeulades sur les interprétations de Picasso et de Miro a de quoi vous rendre nostalgique. Dans cette scène, Cléo semble chercher quelque chose, elle avoue ensuite à son ami qu’elle a essayé de passer sa chanson sur le jukebox mais que personne ne l’a écouté …. ou plutôt regardé. Car Cléo cherchait une fois de plus le regard des autres, ne pouvant se renvoyait le sien par le biais des miroirs. D’ailleurs, l’art comme reflet de la réalité est une interrogation posée dans la scène suivante dans l’atelier de sculpture.

Cléo au "Dôme"

L’une des plus belles scènes pour moi est celle dans l’atelier de sculpture où une fois de plus le regard est questionné. Cléo s’y rend pour rencontrer son ami Dorothée qui est train de poser pour des sculpteurs. Contrairement à Cléo qui n’est pas à l’aise avec son corps et y voit les prémisses de la maladie, Dorothée se dit « heureuse de son corps mais pas orgueilleuse », elle pose librement. Néanmoins, il faut bien saisir que le regard que pose le sculpteur sur le corps nu de Dorothée est fondamentalement différent de celui posé par les hommes sur la chanteuse Cléo. En effet, alors que Dorothée se contente d’émuler le regard créatif de l’artiste, Cléo est prisonnière du regard que lui porte les hommes. Un détour par l’étymologie du prénom Dorothée est ici éclairant. Dorothée est formé sur les racines doron (cadeau) et théos (Dieu). Dans le film, Dorothée livre son corps en cadeau à l’artiste pour que celui-ci en fasse une oeuvre d’art indépendante de l’image initiale; Dorothée ne sera donc pas aliénée par le regard que lui a posé l’artiste. Art comme transcendance ici peut-être comme le suggère le sens grec de Dorothée.

Symboliquement, lorsque Cléo sort de l’atelier, un de ses miroirs de poche tombe et se brise: symbole de sa prise de conscience des multiples potentialités du regard. La dernière étape de son errance parisienne sera celle de Florence (prénom liée à la Renaissance et à ses sculptures) et non plus celle de Cléo.

3) Cette dernière partie de notre réflexion sur le regard dans Cléo de 5 à 7 correspond à la rencontre entre Cléo-Florence et Antoine dans le parc Montsouris. Seule avec Antoine, elle réalise que le regard est avant tout un échange (« on me regarde mais moi aussi je regarde »). Au niveau de la mise-en scène ceci sa traduit par l’absence de champ-contre-champ et par le recours à des plans où le regard des deux personnages est cadré dans le même plan. Les deux regards ont désormais la même valeur, il n’y a pas de regardant-regardé mais seulement deux personnes se cherchant. Finalement, quelle est la réelle nudité? Celle physique du modèle qui pose pour le sculpteur ou bien celle de deux êtres qui se regardent intensément en silence en confondant leur regard? Pour moi, Cléo fait l’expérience de la nudité lorsqu’elle trouve enfin un regard authentique dans lequel se plonger.

l'expérience de la nudité

“Je voudrais que l’histoire de Cléo, jeune femme blessée dans sa chair, et sans doute promise à la mort, beauté sans armes, esprit sans défense, que cette histoire touche les gens comme me touchent les peintures de Baldung Grien, où l’on voit de superbes femmes blondes et nues enlacées par des squelettes. » ( Agnès Varda)

Cléo de 5 à 7. de par son titre, renvoie à l’idée d’un rendez-vous amoureux. Pourtant, dès le générique, la question se pose de savoir si Cléo n’a-t-elle pas rendez vous avec la mort. Le chapitrage tout au long du film donne l’idée d’un compte à rebours, d’une temporalité oppressante pour Cléo. Après être sortie de chez la cartomancienne, Cléo est en proie au doute sur son apparence, elle sent son corps menacé par la maladie. Son lieu de refuge sera son appartement, lieu fantasmé et merveilleux où la mort n’a pas prise. A ce titre, Varda établit une juxtaposition visuelle très étrange: lorsque Cléo fait de la balançoire, on voit dans son dos des ailes d’ange. Tel un ange, Cléo croit encore pouvoir échapper à sa condition de mortelle et bénéficier d’une beauté éternelle. Dans le monde de Cléo, celui de sa chambre notamment, la lumière domine et l’émergence de l’ombre est vue comme annonciatrice de la mort. Ainsi quand Cléo chante une chanson très personnelle sur sa propre solitude, le décor s’assombrit. Cléo ne voit le monde que par ses deux couleurs: soit tout noir soit tout blanc.

Le film dans le film (Les fiancés du pont Mac Donald tourné par Varda avec dans les rôles principaux Anna Karina et Jean-Luc Godard !) que l’ami de Dorothée projette pour Cléo reflète (par l’art du cinéma) sa propre situation. En effet, dans ce petit film, on voit deux séquences différentes selon que le personnage masculin porte ou non ses lunettes. Lorsqu’il les porte, il ne voit que la mort, la tristesse, l’ombre. Lorsqu’il les enlève, il voit l’amour, le bonheur et la lumière. Si le petit film propose deux réalités différentes selon le point de vue adopté, il n’empêche que la réalité (celle du film est en noir et blanc) est aussi bien le blanc que le noir. La lumière ne se comprend que par l’ombre et vice-versa. Et dans une certaine mesure, l’amour ne se comprend que par la mort.

C’est peut-être dans ce sens que Varda aime lier son film aux peintures de Grien. Dans ces peintures, on y voit des femmes qui passent par plusieurs âges successifs pour finalement sentir le rapprochement inexorable de la mort. Ces oeuvres d’art, outre leur effrayante dualité Eros/Thanatos, nous invite à un questionnement sur le temps.

"Les trois âges et la mort" de Grien

Les peintures de Grien appartiennent à toute une tradition de l’éloge de la femme à travers sa beauté mortifère et évanescente. Comme chez Ronsard, la femme est sommée de « Cueillir dès aujourd’hui les roses de la vie ». En mettant en garde la femme contre sa vieillesse inexorable, Ronsard offre son amour présent, dans un carpe-diem poétique. Chez Baudelaire, la femme est associée à la charogne: » Et pourtant vous serez semblable à cette ordure, /A cette horrible infection, /Etoile de mes yeux, soleil de ma nature, /Vous, mon ange et ma passion! ». Cependant, la confrontation à la mort n’est pas suffisante, il faut une promesse d’amour pour que la femme se saisisse du temps présent. Pour résumer grossièrement, soit on appréhende la vie selon la mort, soit on l’appréhende selon l’amour. Ce qu’apprend Cléo avec Antoine et ce qui résout son angoisse, c’est qu’avant la mort ce doit être la vie et non pas l’attente de la mort. Comme Cléo en fait l’expérience dans une des scènes du film où une personne inconnue est assassinée en pleine rue, la mort peut survenir à tout moment, tout comme l’amour peut survenir à n’importe quel instant au détour d’un parc.

Cléo de 5 à 7 c’est aussi l’interprétation des signes environnants liés aux superstitions de Cléo et de sa servante. Malicieusement, Agnès Varda a découpé son film en 13 chapitres distincts. Comment interpréter ce chiffre 13: porte-bonheur ou porte-malheur. Les signes restent soumis à notre jugement car nous sommes ceux qui les identifient.

L’un des aspects du film les plus longuement discutés est sans doute le fait que l’errance parisienne de Cléo se déroule en temps réel: de 17h à 18h 30 (soit 1h 30 de film). Durant tout le film, on est abreuvé de messages radiophoniques ou de bribes de conversations relatifs aux sujets d’actualité de l’époque (la guerre d’Algérie, Edith Piaf, …). Varda cherche ainsi à brouiller les pistes entre réalité et art. De plus, les apparitions de Godard, Karina, Michel Legrand (qui joue un des personnages du film) contribuent toutes à ce rapprochement duchampien entre l’art et la réalité. La dernière scène entre Antoine et Cléo est la plus longue de tout le film. Cléo semble pouvoir désormais saisir le temps présent. La dernière scène synthétise ces considérations sur le cinéma et la réalité: on voit Antoine et Cléo regarder au loin s’en aller la voiture du médecin. Alors qu’il voit la voiture s’en aller, il nous regarde nous spectateur et questionne finalement notre propre existence.

Oeuvre profondément personnelle, existentielle, mais aussi ciné-poème en hommage au Paris des années 1960, Cléo de 5 à 7 est une oeuvre magistrale. Pour finir, je vous conseille à tous d’aller écouter une chanson de Nancy Sinatra et Lee Hazlewood intitulée Paris summer dont les paroles correspondent parfaitement à la rencontre entre Cléo et Antoine dans le film. A noter que les Last Shadow Puppets en ont fait une reprise trés réussie avec la chanteuse des Kills.

le regard final adréssé au spectateur